Dangote face à la "mafia du pétrole" : Qui sortira vainqueur ?
Depuis la découverte du pétrole au Nigeria en 1956, le secteur en aval – le raffinage et la distribution – a été gangrené par la corruption et l’opacité. Pendant des décennies, les revenus pétroliers, qui représentent 90 % des exportations du pays, ont surtout profité à une élite restreinte de politiciens et d’hommes d’affaires. Le positionnement de Dangote dans l'industrie pourrait changer les choses. Mais à quel prix?
ECONOMIE
La Rédaction.
11/18/20242 min read


L’entrée en activité de la raffinerie ultramoderne d’Aliko Dangote, d’une valeur de 20 milliards de dollars, devrait représenter une révolution pour l’industrie pétrolière nigériane. Cependant, pour beaucoup de Nigérians, deux questions demeurent centrales : le prix du carburant baissera-t-il ? Et les interminables files d’attente devant les stations-service deviendront-elles un souvenir ? Si le premier point semble peu probable en raison de la fluctuation des prix internationaux du pétrole brut, le second pourrait bien dépendre de la capacité de Dangote à affronter ce qu’il appelle la "mafia du pétrole".
Depuis la découverte du pétrole au Nigeria en 1956, le secteur en aval – le raffinage et la distribution – a été gangrené par la corruption et l’opacité. Pendant des décennies, les revenus pétroliers, qui représentent 90 % des exportations du pays, ont surtout profité à une élite restreinte de politiciens et d’hommes d’affaires. Des milliards de dollars ont été engloutis dans des tentatives de réhabilitation des vieilles raffineries nationales, sans succès, poussant le pays à exporter son brut pour le raffiner à l’étranger, au grand bonheur des négociants bien connectés.
Avec une capacité de raffinage de 650 000 barils par jour, l’usine de Dangote ambitionne de mettre fin à cette anomalie. Pourtant, les défis sont immenses. L’accès au pétrole brut nigérian reste une bataille, le géant pétrolier d’État, la NNPC, étant incapable de fournir les volumes promis en raison de ses dettes et d’engagements préalables. Cette situation a poussé Dangote à acheter du brut étranger, soulevant des tensions avec les régulateurs locaux sur les questions de prix et d’approvisionnement.
Parallèlement, l’élimination des subventions sur le carburant par le président Bola Tinubu a entraîné une flambée des prix, doublant presque en un an. Bien que cette réforme ait permis de réorienter les finances publiques, elle a fortement impacté les Nigérians déjà confrontés à une dévaluation rapide du naira et à une inflation galopante. Dans ce contexte, la raffinerie de Dangote est perçue comme une planche de salut, notamment grâce à l’utilisation de la monnaie locale pour les transactions, réduisant ainsi la pression sur les devises étrangères.
Cependant, la transparence, tant attendue, n’est pas encore au rendez-vous. Les accusations fusent de toutes parts : traders accusés d’importer du carburant de mauvaise qualité, querelles entre Dangote et les autorités régulatrices, et soupçons d’ententes occultes. Dans un secteur où le brouillard règne, la méfiance persiste, et les Nigérians, qui supportent le poids de ces dysfonctionnements, attendent toujours des résultats concrets.
Pour certains analystes, ces conflits ne sont pas surprenants. Ils rappellent les luttes des pionniers industriels comme JP Morgan ou les frères Stanford, confrontés à des résistances similaires en restructurant l’économie américaine au XIXe siècle. Selon eux, les perturbations actuelles reflètent une transition nécessaire vers une industrie plus compétitive et transparente. Cependant, pour beaucoup, cette vision optimiste reste difficile à partager face à une réalité économique brutale.
Dans cette bataille où "tout le monde est un méchant", comme le souligne un expert, l’arrivée de Dangote pourrait néanmoins marquer un tournant. Si sa raffinerie parvient à imposer des normes de qualité et une meilleure transparence, elle pourrait redéfinir le secteur pétrolier nigérian. Mais pour l’instant, la question demeure : Aliko Dangote peut-il réellement vaincre la mafia du pétrole ?