Vers une coalition contre Brice Clotaire Oligui Nguema : une opposition en construction ?

Au-delà des critiques constitutionnelles, la perspective d’une coalition entre des figures politiques nationales et autres acteurs de la société civile se dessine peu à peu. Dans un contexte où le président Oligui Nguema cherche à asseoir sa légitimité en vue des élections de 2025, la mobilisation progressive de ces acteurs pourrait constituer un contre-pouvoir de taille.

POLITIQUE

La Rédaction

10/15/20244 min read

Dans le paysage politique gabonais au cœur de la transition en cours, la critique croissante contre le projet de nouvelle Constitution est en train d’émerger comme un terrain fertile pour l’unification de plusieurs figures d’opposition. Parmi les principaux protagonistes, Alain Claude Bilie By Nze, Mike Jocktane ou encore Pierre Claver Maganga Moussavou, se positionnent comme des leaders d’une opposition structurée face au pouvoir de transition du président Brice Clotaire Oligui Nguema. Leurs critiques convergentes sur la dérive potentielle du régime ouvrent la voie à la formation possible d’une coalition, circonstancielle ou non, susceptible de bouleverser le paysage politique gabonais.

Un projet de Constitution contesté : catalyseur d’une alliance ?

Le projet de Constitution élaboré par le Comité constitutionnel national a mis en lumière de profondes divisions au sein de la classe politique et de l’opinion publique. Loin de se limiter à un simple débat juridique, ce texte soulève des inquiétudes majeures sur les orientations du régime en place. Mike Jocktane, président de Gabon Nouveau, a vivement dénoncé ce qu’il considère comme une dérive autoritaire latente. Lors de sa rentrée politique à Libreville le 8 octobre 2024, il a pointé du doigt plusieurs articles clés – dont les articles 69, 71, et 76 – qu’il juge incompatibles avec un véritable état de droit.

Selon lui, ces dispositions risquent de concentrer le pouvoir entre les mains du président et d'étouffer la séparation des pouvoirs. Jocktane, qui avait été candidat à la présidentielle de 2023, n’a pas seulement critiqué, mais a également appelé à des discussions inclusives entre le gouvernement, la société civile et l’opposition pour parvenir à un texte constitutionnel plus consensuel.

Dans un discours tout aussi tranchant, Alain Claude Bilie By Nze, ancien Premier ministre et président de la plateforme Ensemble pour le Gabon, a dénoncé la dérive du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Lors de l’inauguration du siège londonien de sa plateforme, Bilie By Nze a estimé que l’avant-projet constitutionnel trahissait l’esprit initial de la transition et risquait de renforcer la concentration du pouvoir au détriment de la démocratie.

Dans le même élan, Pierre-Claver Maganga Moussavou, président du Parti social démocrate (PSD), a vivement exprimé son rejet de l'article 192 du projet notamment, qui accorde une amnistie aux auteurs du renversement d’Ali Bongo Ondimba. Ce dernier met en garde, entre autres, contre le risque d’un "cercle vicieux" où chaque coup d’État serait justifié par des motifs de libération, une observation qui renforce les inquiétudes des leaders de l’opposition quant à la consolidation du pouvoir en place.

Une opposition en quête de synergie

Les discours respectifs de Jocktane, Bilie By Nze et Maganga Moussavou ne sont pas isolés, mais témoignent d’une convergence idéologique autour de la nécessité de contrer un régime qu'ils estiment en train de glisser vers l'autoritarisme. Bien qu’ils appartiennent à des formations politiques distinctes, leur rejet du projet de nouvelle "Loi fondamentale" et leur appel à une gouvernance plus équilibrée pourraient bien poser les jalons d’une coalition à long terme. Bilie By Nze a d’ailleurs indiqué que son mouvement se préparait à mener des actions légales pour « sauvegarder les principes et les valeurs républicaines ». De son côté, Mike Jocktane, qui a envisagé publique un rapprochement avec l’ancien Premier Ministre, insiste sur la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle démocratique, un point qui pourrait servir de base programmatique commune pour l’opposition à naître.

L’insoluble cas Ondo Ossa

Le professeur Albert Ondo Ossa, candidat à la dernière présidentielle, s’est également imposé comme une voix dissidente face au régime militaire ces derniers mois. Lors de son intervention le 7 octobre 2024 chez le confrère Gabon Media Time, il a dénoncé le rôle omniprésent des militaires dans les hautes fonctions administratives, fustigeant leur "incompétence" dans des domaines où ils ne sont pas formés. Réclamant un dialogue direct avec Oligui Nguema, Ondo Ossa se positionne comme un candidat légitime à la prise en main des leviers de l’Etat, affirmant avoir remporté l’élection présidentielle de 2023.

Sa critique de la gestion militaire et son appel à un retour à l’ordre républicain pourraient résonner auprès des Jocktane, Bilie By Nze et Cie, renforçant ainsi une opposition plurielle.

Vers une coalition politique ?

Au-delà des critiques constitutionnelles, la perspective d’une coalition entre les figures mentionnées et d'autres acteurs politiques se dessine peu à peu. Dans un contexte où le président Oligui Nguema cherche à asseoir sa légitimité en vue des élections de 2025, la mobilisation de personnalités telles que Bilie By Nze et Mike Jocktane pourrait constituer un contre-pouvoir de taille. Leur alliance potentielle, avec le soutien d'autres leaders de l’opposition ou des figures issues de la société civile, pourrait s’appuyer sur une double stratégie : dénonciation institutionnelle et mobilisation populaire.

Dans ce cadre, la critique du projet constitutionnel pourrait être le premier pas vers une plateforme relativement unifiée. Qu’elle soit circonstancielle ou qu’elle s’inscrive sur la durée. Les ambitions électorales de 2025 sont également un facteur à prendre en compte : l’opposition, en s’organisant autour non pas d’un programme mais d’un objectif commun, pourrait présenter un front plus ou moins uni contre le rêve présidentiel d’Oligui Nguéma, après la fin de la transition.

Un avenir incertain pour le pouvoir en place

Si le président Oligui Nguema persiste à ignorer les voix dissonantes qui s’élèvent contre le projet constitutionnel en cours, il pourrait se retrouver face à une opposition plus forte que prévue. En l’absence d’un dialogue encore plus inclusif que celui du stade d’Angondjé – fortement critiqué - et d’un compromis autour dudit projet constitutionnel, le risque d’une coalition politique de grande ampleur se renforce. Une telle alliance pourrait bouleverser l’équilibre politique national.

Les semaines à venir s'annoncent donc décisives. Le président fera-t-il preuve de souplesse et d’ouverture, ou poursuivra-t-il sur la voie actuelle, au risque d’attiser davantage les tensions ? En attendant, l’opposition version transition, semble bien décidée à se préparer pour le combat politique à venir.