Zimbabwe : Quand les politiques américaines impactent la santé reproductive des femmes
Depuis son introduction en 1984 sous le nom de "politique de Mexico", cette règle controversée, activée par les présidents républicains et annulée par les démocrates, interdit l’utilisation des fonds américains pour promouvoir ou pratiquer l’avortement.
SOCIÉTÉ
La Rédaction.
11/21/20242 min read


Sithulisiwe Moyo, 19 ans, a attendu deux heures dans une tente de fortune à Epworth, un quartier défavorisé de Harare, pour recevoir des pilules contraceptives. Mère d’une jeune fille, elle espère que cet accès gratuit à la planification familiale, financé par le gouvernement américain, lui permettra de retourner à l’école. "Je suis trop jeune pour être une machine à fabriquer des bébés", confie-t-elle, consciente que cette aide pourrait bientôt disparaître avec un possible retour de la politique du bâillon mondial sous l’administration Trump.
Depuis son introduction en 1984 sous le nom de "politique de Mexico", cette règle controversée, activée par les présidents républicains et annulée par les démocrates, interdit l’utilisation des fonds américains pour promouvoir ou pratiquer l’avortement. Lors de son premier mandat, Donald Trump avait étendu cette mesure, privant des ONG comme Population Services Zimbabwe d’un financement crucial. Entre 2017 et 2018, cela a entraîné une réduction drastique des services de santé, affectant la prévention des grossesses non désirées, l’accès à la contraception, et même la lutte contre des maladies telles que le VIH ou le paludisme.
Les conséquences de cette politique ont été dévastatrices, particulièrement en Afrique, où les besoins en soins de santé reproductive sont immenses. Des milliers de cliniques ont dû fermer, laissant les communautés rurales sans accès à des services essentiels. Au Zimbabwe, Population Services Zimbabwe a vu ses financements chuter, forçant la fermeture de ses centres de proximité. "Les femmes n’ont nulle part où aller pour obtenir de l’aide ou des informations", déplore Whitney Chinogwenya de MSI Reproductive Choices, une ONG touchée par ces restrictions.
Pourtant, l’annulation de la règle par Joe Biden en 2021 avait apporté un répit. Population Services Zimbabwe, par exemple, avait reçu 9 millions de dollars en 2023, redynamisant ses services. Mais selon Pester Siraha, directeur de l’organisation, les pertes accumulées restent difficiles à combler. Si la règle du bâillon est réactivée, 1,3 million de femmes au Zimbabwe pourraient être privées de soins, entraînant une hausse des grossesses non désirées et des décès maternels. Les ONG qui résistent à ces restrictions font face à un choix difficile : sacrifier leur financement ou renoncer à leur mission pro-choix.
Dans ce contexte, les longues files d’attente au dispensaire d’Epworth rappellent l’urgence des besoins. Engeline Mukanya, 30 ans, a récemment bénéficié d’un implant contraceptif qui lui permettra d’éviter une grossesse pendant cinq ans, une aide vitale qu’elle ne pourrait s’offrir autrement. "Il est regrettable que nous soyons pris dans le feu croisé des politiques américaines", déclare-t-elle, exprimant un souhait universel : la liberté de contrôler leur propre avenir.